Ce texte d’opinion est d’abord paru dans le Journal de Montréal.
Imaginez que votre employeur vous renvoie, mais qu’au lieu de vous remettre votre chèque de vacances, ce qu’il vous donne ressemble plutôt à une annonce de Loto-Québec.
Dans ce scénario hypothétique, il vous accorde un compte de dépenses à vie, une pension à six chiffres et quelques millions de dollars pour vous lancer une fondation.
Si ça semble insensé, c’est pourtant ce que Julie Payette recevra à nos frais après qu’elle se soit fait montrer la porte en plein scandale il y a quelques semaines.
Qu’un gouverneur général ait servi l’ensemble de son mandat de cinq ans, ou n’ait démissionné dans les 24 premières heures de son mandat, il est automatiquement éligible à une pension de 150 000$ par année.
Et contrairement à votre fonds de pension, si vous en avez un, un ex-gouverneur général peut commencer à le recevoir dès l’instant où il quitte son poste, et ce peu importe son âge. Il y a fort à parier que Mme Payette a déjà reçu son premier chèque mensuel de 12 500$.
Comme si cette pension princière n’était pas assez, les ex-gouverneurs généraux peuvent continuer à réclamer jusqu’à 206 000$ par année en remboursement de dépenses aux contribuables pour le reste de leurs vie, et même jusqu’à six mois après leurs décès.
C’est grâce à ces comptes de dépenses à vie que l’ex-gouverneure générale Adrienne Clarkson a pu facturer plus de 1,1 millions de dollars en vols, chambres d’hôtels, repas et frais de personnel de bureau aux contribuables canadiens depuis qu’elle a quitté son poste en 2005.
Ce n’est pas comme si les gouverneurs généraux étaient maltraités durant leur mandat non plus. Ceux qui occupent ce poste symbolique reçoivent un salaire annuel de 306 000$. On leur fourni aussi résidence de fonction de 175 pièces. Ça, c’est deux pièces de plus que le palais de la famille royale de la Norvège à Oslo.
Comme si tout cela n’était pas déjà plus qu’assez, le gouvernement a l’habitude de donner une série de cadeaux de départs aux gouverneurs généraux.
C’est ainsi qu’Adrienne Clarkson, Michaëlle Jean et David Johnston ont reçu une enveloppe de 10 millions de dollars de fonds publics chacun pour les aider à mettre sur pieds leurs fondations respectives.
Et même si Mme Payette a été contrainte de démissionner des suites d’allégations de harcèlement psychologique, il semble que le bureau du premier ministre croit toujours bon de laisser la porte ouverte à un tel cadeau aux frais des contribuables, précisant que ces demandes sont analysées au cas par cas.
Il est clair qu’il est non seulement possible, mais aussi nécessaire de réduire les coûts associés à ce symbole monarchique. Pour ce faire, Ottawa n’a qu’à observer ce que ce qui se fait dans les provinces.
Tandis que le bureau du gouverneur général coûte environ 55 millions de dollars par année aux contribuables canadiens, les bureaux des lieutenants gouverneurs provinciaux nous coûtent plus ou moins un million de dollars par année chacun.
Les lieutenants gouverneurs avec un personnel réduit, sans palais de fonction, avec une rémunération plus raisonnable et sans cadeau de départ dans les millions de dollars que ces représentants provinciaux de la monarchie effectuent généralement leur rôle constitutionnel.
Et si certains voient même ce million comme un coût trop élevé pour un tel reliquat, cela demeure beaucoup moins pire que les 55 millions de dollars que nous gaspillons présentement sur leur équivalent fédéral à chaque année.
Même s’ils représentent la monarchie, nos gouverneurs généraux ne méritent pas qu’on les traitent comme des rois.