EN FR

Ex-C Series: Quand est-ce que les subventions vont s'arrêter?

Auteur: 2022/02/09

Ce texte est d’abord paru dans le Journal de Montréal le 9 février 2022.

En investissement, il y a un adage qui dit « don’t put good money after bad. » Il met en garde contre la tentation de remettre de l’argent dans un projet pour protéger un investissement qui a déjà été perdu.

Il semblerait que le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon ne l’ait pas encore bien saisi.

Tout récemment, il annonçait qu’il remettrait 385 millions de dollars pour le développement du modèle A220 d’Airbus, autrefois connu sous le nom de Bombardier C Series. Son objectif : protéger l’investissement de 1,3 milliard de dollars que le gouvernement précédent a mis dans le projet.

Le gouvernement a raison d’appréhender la perspective de perdre 1,3 milliard de dollars de notre argent. La réponse raisonnable à cette crainte cependant n’est pas d’ajouter plus d’argent à la somme mise en jeu.

 Il faut aussi comprendre que le développement de l’ex-C Series a déjà coûté très cher aux Québécois et Québécoises.

Lors du lancement du programme en 2008, Bombardier a reçu des chèques d’Ottawa et de Québec valant respectivement 350 millions et 117 millions de dollars.

En 2015, c’était le gouvernement de Philippe Couillard qui y envoyait 1,3 milliard de dollars de notre argent.

Un an plus tard, c’était au tour du gouvernement Trudeau de domper 124 millions dans le nouvel avion dans le cadre d’une entente de subvention de 373 millions de dollars avec Bombardier.

En date d’aujourd’hui, c’est donc 2,3 milliards de dollars que les contribuables ont risqué dans l’aventure, aujourd’hui connue comme l’Airbus A220.

Pour mettre ça en perspective, le Québécois moyen paie 8 200$ par année en impôt sur le revenu. Ce que nous avons dépensé dans ce projet équivaut à la totalité des impôts payés par près de 278 000 Québécois et Québécoises dans une année. Ça équivaut à peu près à la ville de Gatineau.

C’est beaucoup d’argent qui aurait pu être investi en santé, en éducation, ou laissé dans les poches de nos contribuables et entrepreneurs, mais qui se retrouve plutôt accaparé par le projet d’une multinationale étrangère.

Il faut aussi comprendre que rien n’indique qu’Airbus a besoin de cette subvention pour développer davantage son projet.

Loin d’être une petite entreprise, Airbus a une valeur boursière d’environ 125 milliards de dollars. Selon ses plus récentes prévisions, elle aura clôturé l’année financière 2021 avec un profit de 6,4 milliards de dollars.

Il est difficile de croire que l’entreprise n’aurait pas pu trouver les fonds nécessaires pour réaliser son projet à même ses profits mirobolants ou en empruntant l’argent d’investisseurs privés.

Après tout, si Airbus souhaite poursuivre le développement de son programme A220, c’est parce qu’elle entrevoit un marché suffisamment intéressant pour y investir des sommes considérables. Et il y a fort à parier que certains investisseurs y voient le même appât du gain.

Dans un tel contexte, une subvention ne vient pas attirer davantage d’investissement privé, elle vient s’y substituer. Et au lieu de laisser des investisseurs indépendants y risquer leur propre argent, le gouvernement se trouve à transférer le risque à tous les Québécois et Québécoises.

Nous en avons plus qu’assez fait pour l’ex-C Series ou l’A220. Il est temps que nos ministres arrêtent d’y domper de l’argent et laissent le programme voler de ses propres ailes.