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Et si les électeurs pouvaient révoquer les élus?

Auteur: Nicolas Gagnon 2023/10/19

Rien ne refroidit plus les ardeurs d’un politicien que le rejet de son mandat par les électeurs. 
 

La réaction du Premier ministre François Legault à la défaite de sa candidate lors de l'élection partielle de Jean-Talon en témoigne. «Les habitants de la ville de Québec ont envoyé un message», a-t-il reconnu, réitérant son engagement à écouter les citoyens.
 

Une simple élection partielle aura suffit pour déclencher les signaux d'alarme dans le bureau de M. Legault. 
 

L'élection partielle dans Jean-Talon a eu lieu suite au départ de la députée caquiste Joëlle Boutin, à peine 10 mois après le début de son mandat. Mais les électeurs ont refusé de renouveler leur confiance à la CAQ.
 

La grogne dans Jean-Talon était présente avant le déclenchement de l'élection partielle, principalement en raison de la promesse non tenue du 3e lien de Québec. 
 

Le revirement de la CAQ sur le 3e lien, soit cette promesse d'un pont pour la circulation automobile qui fut remplacée par un tunnel exclusif au transport en commun, a déplu à un grand nombre d'électeurs.
 

Avant l'élection partielle, le 3e lien devait être un tunnel. Mais voilà que la CAQ veut remettre sur le tapis l'idée d'un pont. Pourquoi ? Parce que la défaite les a choqués au point de leur faire comprendre qu'ils avaient tort.
 

Voici un mécanisme qui encouragerait les élus à réfléchir à deux fois avant de rompre une promesse, quelle qu'elle soit : une loi de révocation.
 

Le processus est simple : les citoyens peuvent lancer une pétition. Si elle recueille le nombre de signatures requis, une élection partielle est ensuite déclenchée et les électeurs peuvent décider de révoquer ou non l'élu.
 

Ce mécanisme existe déjà en Colombie-Britannique et en Alberta. 
 

En Colombie-Britannique, la législation sur la révocation a été utilisée pour forcer l'ancien député Paul Reitsma à quitter ses fonctions. Reitsma, qui avait été pris en flagrant délit d'envoi de fausses lettres au rédacteur en chef, a démissionné dès qu'il est devenu évident qu'un nombre suffisant de signatures avait été recueilli pour obtenir sa destitution. 
 

Depuis l'entrée en vigueur de la Recall and Initiative Act en 1995, 29 pétitions de rappel ont été approuvées par le directeur général des élections de la Colombie-Britannique. 
 

La loi albertaine sur le rappel est nouvelle, mais elle a déjà été utilisée pour se débarrasser d'un politicien qui s'est mal comporté. 
 

Nik Lee, ancien maire du village de Ryley, a été rappelé par les électeurs après avoir gonflé le budget de sa communauté et dépensé 5 000 dollars pour des réunions sans l'approbation du conseil.
 

En rédigeant sa propre législation, le gouvernement du Québec pourrait même améliorer la formule utilisée en Colombie-Britannique et en Alberta. 
 

Dans les deux provinces, les électeurs doivent attendre 18 mois après une élection avant de lancer une pétition de rappel. Ils doivent obtenir la signature de 40 % des électeurs de la circonscription avant qu'une élection partielle ne soit convoquée. 
 

En Colombie-Britannique, les électeurs ne disposent que de 60 jours pour recueillir le nombre de signatures requis pour déclencher une élection partielle. 
 

En supposant que le même délai soit appliqué au Québec, et plus précisément à la circonscription de l'Assomption de François Legault, qui compte environ 45 000 électeurs, le déclenchement d'une élection partielle nécessiterait au moins 300 signatures par jour pour atteindre le seuil fixé. 
 

Au Royaume-Uni, le seuil de révocation d'un député est de 10 %. Aux États-Unis, la plupart des lois de révocation fixent le seuil à 25 % des électeurs éligibles. 
 

Afin de rendre ce processus démocratique accessible au plus grand nombre et de faciliter la destitution des hommes politiques qui ont entamé la confiance du public, la fixation d'un seuil compris entre 10 et 25 % constituerait une amélioration.
 

Dans une démocratie, les contribuables devraient pouvoir révoquer leurs élus à tout moment. Les contribuables, en tant que véritables patrons, devraient avoir le pouvoir de le faire, et pas seulement une fois tous les quatre ans.